Une lente érosion de la grande distribution sur les marchés alimentaires

En raison du développement du digital et des évolutions des modes de vie, les modes d’achat des produits alimentaires ont fortement évolué depuis une vingtaine d’années.

La montée de la grande distribution

Le poids de la grande distribution a commencé à prendre de l’ampleur dans les années 70, de 12 % en 1960 il a doublé en presque dix ans pour atteindre 25 % en 1970. L’âge d’or a pris fin dans les années 1990, sur fond de saturation progressive des besoins de base, le durcissement de la législation sur l’ouverture de nouveaux magasins et l’accentuation de la concurrence entre les différents formats. Au début des années 90, les changements profonds des attentes des consommateurs portés par le post-matérialisme mettant en avant la maîtrise de la destinée individuelle ont conduit à une demande de plus en plus personnalisée difficile à mettre en œuvre dans la grande distribution. La part de marché de la grande distribution a atteint son apogée en 2000 pour atteindre 68 %.

L’apparition de nouveaux modes de distribution

Après dix ans de stagnation, les parts de marché diminuent lentement. En 2021, la part de marché des ventes de produits alimentaires en grande distribution est tombée à 62 % selon les données de l’INSEE. Avec le développement et la généralisation des nouvelles technologies, de nouveaux modes de distribution sont progressivement apparus, tels que les drives et la vente en ligne avec livraison à domicile (poids de 10,5 % en 2023, selon Nielsen). La crise de la Covid-19 a accéléré cette progression en convertissant les clientèles âgées, qui étaient les plus réticentes à basculer vers le e-commerce.

Le renouveau des circuits traditionnels

Parallèlement, des circuits plus traditionnels retrouvent un certain engouement : marchés de plein air, vente directe à la ferme et de façon plus générale tous les circuits courts. La concurrence des magasins spécialisés (type Grand Frais), mais aussi les gains de parts de marché des artisans commerçants et de façon plus globale des circuits courts se sont renforcés avec la crise sanitaire de la Covid-19. L’engouement vers les produits locaux et de saison favorise les petits commerçants malgré le contexte inflationniste inédit depuis le début des années 80.

La composition des familles évolue

Les modifications des modes de vie, notamment l’urbanisation, la diminution consécutive de la taille des ménages avec la forte progression des ménages constitués d’une seule personne ainsi que la baisse de la natalité et la forte diminution des couples avec enfants (36 % des ménages en 1990 contre 24 % en 2021) ont réduit le besoin de très grandes surfaces plus fortement fréquentées par les familles. Le besoin d’externaliser la fonction alimentation porte les dépenses en restauration alimentaire. Sur un marché global de vente de produits alimentaires et boissons alcoolisées, la restauration se situe autour de 25 % quand la grande distribution ne représente plus que 47 %. Ces mouvements se renforceront au cours du temps avec le vieillissement de la population, la montée du e-commerce et la transition écologique appelant à consommer local et de saison.

Pascale Hébel, économiste et sociologue, membre de l’Académie d’agriculture de France

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