Monsieur le Président, Chers Collègues,
La crise mondiale et européenne que nous vivons actuellement, éprouve particulièrement nos concitoyens, augmentant le chômage et érodant le pouvoir d’achat des Français. Mais c’est aussi une terrible crise pour nos finances publiques qui met en péril la pérennité du système social français et de notre contrat social.
Ce constat personne ne le conteste. Oui la situation est grave et préoccupante !
Il est nécessaire dans de telles circonstances de faire preuve de solidarité entre les plus favorisés et ceux qui le sont moins.
Il est important que les élus vivent au diapason de la nation. Il est plus que jamais utile, nécessaire, indispensable, que les élus ne perdent pas le contact avec le peuple qu’ils représentent. Etre élu n’est pas un statut, c’est une mission.
Pour le faire, les responsables politiques de tous bords doivent tenir un discours de vérité, de cohérence et de pragmatisme, loin de toutes idéologies ou calculs électoralistes.
Pourtant, Monsieur le Président, nous avons entendu depuis 2 jours dans cet hémicycle des propos pour le moins surprenants et contradictoires. Il y a autour de vous des contorsionnistes, et aussi quelques jongleurs…
Interruption de Philippe Madrelle : « Ce n’est pas moi, je n’étais pas là »
Yves d’Amécourt : « En effet, Monsieur le Président. Je m’adresse ici à votre majorité. »
Alors qu’au niveau national votre parti signe un accord sur la fin de la filière MOX… Vous émettez ici un avis favorable, avec des réserves, sur la poursuite de l’introduction de ce combustible à la centrale du Blayais. Cet avis vient, de fait, invalider ou au mieux amender avec sagesse l’accord programmatique, décidément bien chaotique, signé à la hâte entre Europe Ecologie-les Verts et le parti Socialiste.
J’avoue avoir été ému, aussi, en entendant le vibrant hommage de Gilles Savary pour les départements, lui qui, en 2007, alors porte parole de Ségolène Royal qui expliquait comment on pourrait les supprimer !
Les contradictions existent aussi au niveau local :
Ainsi, quand Mathieu Rouveyre intervient au Conseil Municipal de Bordeaux, hier après midi, pour condamner le principe des Partenariats Publics Privés (PPP), au même moment, dans cet hémicycle vous faites voter un PPP pour la réalisation de 12 bâtiments du programme immobilier solidarité 2013, avec notre soutien. Et nous entendons Jacques Respaud, dans un vibrant plaidoyer, vanter les mérites du PPP… Lui qui, quelques minutes plus tôt en disait le plus grand mal au Palais Rohan ! (rires)
Mais n’est-il pas vrai que les mêmes Conseillers, votent pour le Centre Culturel et Touristique du Vin à la Mairie, et farouchement contre au Conseil Général ?
Au sein même du Budget Primitif que vous nous présentez aujourd’hui, les paradoxes ne manquent pas non plus:
Ainsi vous nous présentez la plupart des grands éléments budgétaires comme très incertains : les investissements, les droits de mutation, les recettes de fiscalités directes…Vous vous plaignez d’un manque de visibilité problématique… du sempiternel « désengagement de l’Etat » qui occulte l’avenir, d’une incapacité chronique à prévoir ce qui se passera dans seulement quelques mois, voire dans quelques semaines… Mais dans le même temps vous nous annoncez un programme d’augmentation des taux d’imposition sur 3 ans ! Tout est calé, tout est prévu… Vous êtes un peu comme ces météorologues qui ne savent pas le temps qu’il fera demain, mais qui savent celui qu’on aura dans 3 ans !
Enfin, alors que vous communiquez sur un Budget avec un programme d’investissements caractérisé « d’exceptionnel », on ne constate en réalité qu’une augmentation modeste (4%) de ces projets d’investissements par rapport au Budget Primitif de 2011.
Il faut par ailleurs, ne pas oublier la grande subjectivité des projets inscrits au Budget Primitif comme l’a encore démontré l’année 2011 avec au fil des mois et des rendez-vous budgétaires de nombreuses modifications qui n’ont malheureusement pas profité aux investissements avec une baisse de 10 M€ entre la DM2 et le BP et ce malgré plus de 60 M€ de recettes de fonctionnement supplémentaires entre le BP 2011 et la DM2 !
Là où l’on vous rejoint, Monsieur le Président, c’est dans le constat que vous faites de la situation en Gironde.
En effet, les Girondins et nos territoires ont besoin, dans cette période difficile, du soutien du Conseil Général. Cela doit passer, effectivement, par un programme d’investissements ambitieux et transparent : qu’il soit financé par la dette, ou par un « PPP ».
C’est pourquoi nous avons défendu depuis longtemps un certain nombre de projets d’investissements et d’évolutions dans notre fonctionnement, je vous en livre quelques exemples :
Il faut des investissements structurants et d’avenir pour notre département, c’est le sens de notre soutien au projet GPSO (LGV), mais nous demandons également le désenclavement de certains de nos territoires, comme le Médoc avec l’indigne départementale 1215, ou l’Entre-Deux-Mers qui pourrait être désenclavé par un axe Libourne-Langon, qui peut se substituer utilement à un « grand contournement » de l’agglomération bordelaise, si l’on y ajoute une liaison A10-N10-Libourne, chère à Glibert Mitterand.
Nous partageons à ce sujet votre vision de l’avenir du transport automobile.
Notre Collectivité a donc un rôle important à jouer dans le Grenelle de la mobilité…Et nous sommes prêts à y participer.
Le soutien à nos activités économiques locales telles que l’ostréiculture et la viticulture, l’élevage sont essentiels. Toutes les aides sont utiles, si petites soient elles. Même si, pour la viticulture, chacun de nous le comprend, le problème de fond est ailleurs : dans le prix de vente du tonneau de Bordeaux, et dans la répartition des marges au sein de la filière. L’équilibre entre la vente et la production, garant de l’obtention de ces deux objectifs, passe aussi, par la réaffirmation de la place de Bordeaux, comme capitale mondiale du vin. Le Centre Culturel et Touristique du Vin servira le rayonnement de Bordeaux dans le monde, pour le plus grand profit de la Gironde, des viticulteurs Girondins et des territoires.
Je le dis ici à Gilles Savary, installer un CCTV à Shanghai, à Hong-Kong, ou même à Montpellier serait une erreur stratégique… A l’heure où les circuits des échanges mondiaux de vin sont en train de changer, plaçant « l’Empire du milieu » au cœur de la problématique, Bordeaux doit rester une capitale mondiale du vin :
- pour les affaires avec « Vinexpo »,
- pour la convivialité, avec « Bordeaux Fête le Vin »,
- pour la culture, avec le CCTV
Autant de concepts qu’il sera ensuite possible d’exporter, comme cela se fait déjà pour « Bordeaux Fête le Vin ».
Il nous faut être ambitieux sur ce sujet, et pour d’autres.
Ambitieux aussi dans l’amélioration de notre fonctionnement et dans notre réponse aux besoins des Girondins.
C’est pourquoi, nous militons depuis longtemps pour une réelle décentralisation des agents du Conseil Général afin d’être au plus près des Girondins dans nos territoires et nos quartiers. La concentration du personnel sur le site de Mériadeck est très coûteuse en matière de bâtiments et n’œuvre pas à la nécessaire proximité que l’on doit offrir à nos concitoyens.
C’est pour cette raison que nous avons soutenu, sans réserve, le programme de construction-rénovation de nos MDSI (Maisons Départementales de la Solidarité et de l’Insertion), qui sont la 1ère étape, selon nous, de la décentralisation véritable : celle qui va jusqu’au citoyen.
Notre Collectivité doit être plus transparente et accessible aux Girondins et aux Communes.
Ainsi nous avons défendu, depuis octobre dernier, un règlement financier de nos subventions qui respecte un délai raisonnable de traitement des demandes, une motivation des refus et qui s’inscrit dans la certification de la norme ISO 9001.
Rendre plus accessible notre Démocratie locale, c’est aussi retransmettre en direct sur internet nos débats ou au moins les rendre visionnables a posteriori. Toutes les grandes Collectivités le font, nous vous l’avons déjà demandé, en vain, et la technique ne peut plus être une excuse quand on voit la modernisation à grands frais de notre hémicycle.
Mais sur ce sujet, aussi, nous faisons des progrès… Il est loin le temps -pas si loin en fait- où le groupe d’opposition était équipé d’ordinateur « Bull Zenith Data System ». Voilà que nous allons, chacun de nous, recevoir un ordinateur ou une tablette, et je voulais, Monsieur le Président, vous remercier, au nom de mes collègues pour cette attention utile à nos échanges.
On pourrait, également, améliorer la connaissance du Conseil Général en mettant à disposition sur notre site une plate-forme simple regroupant tous nos dispositifs d’aides et de subventions. Une plate–forme accessible à tous, avec un moteur de recherche, qui permettrait de trouver rapidement les réponses aux questions que se posent les associations, les communes, les communautés de communes sur les modes d’intervention de notre collectivité.
Bref, Monsieur le Président, notre démarche constructive est riche d’idées et de propositions.
Alors, avons-nous les moyens de nos ambitions en Gironde ?
Oui, car nous sommes un département privilégié, qui compte de nombreux atouts qui lui ont permis de faire face, jusqu’à maintenant, à la crise mondiale.
C’est pour cette raison également que l’on ne peut se dérober à la solidarité nationale et face à la crise des finances publiques. Les plus favorisés doivent aider ceux qui le sont moins. Et nous sommes très favorisés.
Les dotations de l’Etat ont amorcé une courbe descendante qui reste encore très mesurée. L’Etat et donc la République « une et indivisible » doit faire face à des difficultés financières majeures qui obligent à une politique de réduction des dépenses. Or, les collectivités pesant 20 % dans ce budget national, il est donc normal qu’elles supportent une part de l’effort national.
Par ailleurs, votre violon d’Ingres qu’est le différentiel entre ressources et dépenses dans les transferts de compétences est un débat clos depuis le début de l’été par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a confirmé ce que nous disions ici depuis longtemps : le plus gros problème de compensation vient de l’APA transférée par le gouvernement Jospin. Au BP 2012 cette dépense représentait 135 M€. Le conseil constitutionnel nous demande aussi de surveiller la compensation de la PCH.
Plus que jamais le dynamisme de nos recettes de fonctionnement dépend donc des droits de mutation comme vient de l’expliquer Jean-Marie Darmian.
Si ce rôle incontournable est aujourd’hui évident pour tous, ces droits de mutation sont encore abordés avec inquiétude par votre majorité. Les droits de mutation n’ont rien d’exceptionnel, ils peuvent varier en fonction de la conjoncture mais au même titre que bien d’autres recettes du Conseil Général (CVAE, TIPP…). Il faut donc les intégrer pleinement et sans pessimisme forcené dans la construction et l’équilibre du budget de notre collectivité.
Lors de la DM2 du budget 2011, le niveau des droits de mutation avait retrouvé un très bon niveau avec 220 M€ (hors péréquation). Cela avait aussi mis en lumière la très large sous-estimation de ces recettes quelques mois plus tôt lors du BP 2011 (183 M€ hors péréquation) avec un différentiel de 37 M€.
Je sais que ce débat entre nous est un vieux débat. Et ce phénomène récurrent dans l’appréciation des droits de mutation a de forts risques de se reproduire en 2012.
En effet, dans votre grande prudence, vous projetez des droits de mutation en 2012 plus faibles que ceux enregistrés lors de la DM2 2011, il y a seulement 2 mois !
Ainsi 208,8 M€ sont inscrits au BP 2012, soit une baisse de 11,2 M€.
Avant d’aborder les recettes de l’imposition directe, il convient aussi de revenir sur certains postes de dépenses de fonctionnement que vous nous présentez aujourd’hui dans ce BP 2012.
Si vous n’avez pas de réelles latitudes d’action sur les dépenses sociales contraintes (RSA, APA et PCH) qui continuent à augmenter, il n’en est pas de même pour d’autres dépenses de fonctionnement et au premier rang desquelles les charges à caractère général. Ces dépenses lors de ce BP connaissent une augmentation maîtrisée par rapport au précédent BP (+2,8%) ainsi que par rapport au CA 2010 (+3,6%). C’est un effort à souligner mais qui reste insuffisant car l’objectif, en période de crise des finances publiques, doit être la baisse de ce type de dépenses. Par ailleurs, cette amélioration ne sera confirmable que lors du vote du Compte Administratif 2011.
Il me faut également évoquer les dépenses programmées liées aux frais financiers et en particulier aux intérêts de la dette.
Le BP 2012 enregistre une augmentation de 4% par rapport au BP 2011. Mais c’est surtout par rapport au dernier Compte Administratif 2010 qu’il existe un fossé. Ce fossé est de 11,7 M€ ! C’est un phénomène que nous avons déjà souligné à plusieurs reprises mais pour lequel nous n’avons jamais eu d’explications très claires.
Cet écart est-il une sécurité exceptionnelle pour faire face aux conséquences d’emprunts toxiques contractés par le Conseil Général ? Cela a-t-il un lien avec les informations du journal Libération sur la prétendue présence d’emprunts « toxiques » dans les finances du Conseil Général ? Peut-être…
Dans le rapport de la Chambre Régionale des Comptes d’Aquitaine que vous nous communiquez à l’occasion de ce BP, elle évoque 2 contrats à risque passés avec la banque DEXIA ainsi que la pratique budgétaire de notre collectivité sur le poste « intérêts d’emprunts » qui ne peut être, selon elle, assimilable à une provision.
Dans ce rapport est également mis en lumière les contrats « swap » passés par notre collectivité qui se révèlent défavorables à hauteur de 1,6 M€.
Nous vous avons posé la question sur ces frais financiers par courrier, Monsieur le Président, en septembre dernier, une réponse devait nous être apportée lors de la DM2…nous l’attendons toujours ! Peut-être aujourd’hui ?
Autre hypothèse, cette marge de sécurité considérable (le double de la dépense du dernier Compte Administratif) serait une « poire pour la soif », concept budgétaire évoqué en son temps par Yves Lecaudey ?
Mais 11,7 M€ de « poire pour la soif », c’est plus encore que l’augmentation des impôts que vous nous proposez aujourd’hui !
Alors, Monsieur le Président, Mes Chers Collègues, au regard de ces différents éléments budgétaires, comment apprécier les recettes fiscales d’imposition directe ? Et en particulier votre volonté de faire subir aux Girondins une nouvelle augmentation de la fiscalité de 3,5 % ?
Cette hausse de 3,5% de la TFPB sera, si elle est votée, la plus forte augmentation du taux de fiscalité depuis 2006 -il est vrai que l’assiette n’était pas la même- ! Même en 2009 au plus fort de la baisse des droits de mutation, il n’y avait pas eu une telle hausse de la fiscalité.
Cette hausse est non seulement anormalement élevée mais elle est aussi parfaitement injustifiée et cela pour au moins 4 raisons :
- Le niveau d’endettement du Conseil Général est très acceptable, puisque la capacité de désendettement en 2012 sera de 4,7 ans sur la base du BP 2012 (loin des seuils d’alerte et de danger qui sont à 12 et 15 ans) avec en particulier un excédent brut de la section de fonctionnement en augmentation par rapport au BP 2011. Cela laisse donc des marges de manœuvre et ne justifie sûrement pas la levée de l’impôt pour réduire cette dette.
- Les droits de mutation programmés lors de ce BP risquent d’être, comme depuis plusieurs années, sous-estimés. Ils affichent déjà une baisse de 11,2 M€ par rapport à la DM2 ! Les recettes supplémentaires que cela risque de créer au cours de l’année compenseront largement une renonciation à augmenter les impôts en 2012, les 3,5% représentant 7,7 M€.
- En matière de dépenses, on peut penser qu’il existe « des poires pour la soif », en particulier sur les frais financiers qui sont en 2012, comme lors des années précédentes, en fort décalage avec les Comptes Administratifs. Cela peut aussi compenser le renoncement aux recettes issues d’une hausse d’impôts.
- Enfin, et c’est sans doute le plus important, les projets d’investissements ne justifient pas une telle hausse de l’imposition. Les investissements programmés dans ce BP 2012 font l’objet d’une hausse toute relative par rapport au BP 2011 sans oublier la grande prudence qu’il faut maintenant avoir vis-à-vis de la réalisation effective des programmations de début d’année. Il n’y a pas, non plus, de lancement de grands projets structurants pour notre département qui pourraient justifier de demander aux Girondins des efforts supplémentaires
- Ajoutons à cela la réalisation d’une partie des investissements via un « PPP » qui s’apparente à du « Crédit-Bail ».
En Conclusion, Monsieur le Président, si nous soutenons un grand nombre des projets inscrits dans ce Budget Primitif 2012, nous vous incitons à aller plus loin dans plusieurs domaines :
- Plus d’investissements structurants et moteurs pour l’activité économique de notre département.
- Plus d’effort dans la baisse des dépenses de fonctionnement à caractère général.
- Plus de transparence, de proximité et de sobriété dans les actions du Conseil Général
- Plus de cohérence et de pragmatisme dans vos choix politiques et vos projections budgétaires. On ne peut pas reconnaître naviguer à vue et en même temps planifier 3 ans de hausses d’impôts.
Oui, la crise des finances publiques est grave, les plus favorisés doivent être solidaires de ceux qui le sont moins. Le Conseil Général de la Gironde, collectivité riche doit donc apprendre à faire certains sacrifices et ne pas vivre dans le passé en cultivant le mythe des dotations de l’Etat.
En Gironde, le Conseil Général a la chance de compter de nombreux atouts en particulier en matière de droits de mutation et en matière d’endettement qui reste très raisonnable.
Il est impossible dans ce contexte et quand on analyse avec objectivité et sincérité le budget du Conseil Général, de justifier une hausse record de 3,5 % de l’imposition des Girondins !
Le vote du taux sera définitivement entériné lors de l’Assemblée Plénière de mars prochain, nous espérons être entendus d’ici là…
La priorité doit rester avant tout les Girondins qui ont actuellement plus besoin du soutien du Conseil Général que l’inverse !
C’est pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, que nous ne pouvons voter en l’état ce projet de Budget Primitif pour 2012.
Monsieur le Président, Mes Chers Collègues, je profite, par la présente pour vous souhaiter, au nom du groupe Gironde Avenir, de bonnes fêtes de fin d’année.
Je vous remercie.
Yves d’Amécourt.
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