Les langues régionales ne sont pas opposées à la langue française, elles sont, selon les régions, tantôt ses parents, tantôt ses enfants… Si pour construire la Nation il a fallu mettre sous l’éteignoir les langues régionales, aujourd’hui, pour la renforcer, il convient d’en raviver la flamme. Pour ce faire, l’Education nationale, doit prendre en compte les spécificités régionales. Alors oui, à chaque fois que des gens raisonnables se mettront autour de la table pour promouvoir les langues de France, je serai avec eux. Afin de faire que le nouvel article de notre constitution ne soit pas simplement « décoratif » comme cela a été dit hier, et afin de faire comprendre à tout un chacun, que défendre les langues régionales ce n’est pas remettre en cause la nation…
Je me suis rendu pour la 1ère fois, ce lundi, au Forum des Langues de France… Et j’ai été bien déçu du contenu des débats. Il est vrai que je ne suis resté que 2 heures. Mais pendant ces deux heures il n’a été question que d’une proposition de loi, devenu 4 propositions de loi, de députés qui ne s’entendent pas, de sénateurs qui souhaitent voler la vedette aux députés, d’une proposition de loi consensuelle finalement vidée de son sens… par l’égoïsme de quelques un qui aimeraient que le la loi porte leur nom pour s’inscrire dans la postérité ! Et voilà comment, d’un sujet passionnant, on fait un fiasco !
La langue est pourtant ce qu’il y a de plus beau dans notre monde, c’est ce qui différencie l’homme du monde animal. C’est le premier lien social. C’est le petit plus qui fait que le roseau puisse parler avec le chêne, et qu’ensemble ils pensent. Sans langue, pas de culture… Défendre les langues de France, comme le propose ce Forum, c’est défendre la compréhension du passé, la connaissance de nos régions, de nos départements, de nos villages. Une langue est un vecteur de communication, qui au fil du temps s’est chargé des souvenirs de la culture même qu’il l’a utilisée, usitée, usée. Ainsi les mots garde en eux le souvenir de ce qu’ils désignaient à l’origine, puis change de sens avec le temps. Entretenir la mémoire des mots, des grammaires, des constructions sémantiques et grammaticales, c’est un entrer un peu dans les modes de pensées de ceux qui les utilisaient. Même composé avec l’alphabet, un mot est aussi un idéogramme.
J’ai compris tout cela lors de mes voyages.
En Guadeloupe où j’ai habité 5 ans, j’ai découvert le Créole, une langue vivante s’il en est, une langue jeune, en cours de création, en pleine évolution. J’ai vu et entendu les 1er débats sur l’écriture du Créole de Guadeloupe, j’ai entendu les difficultés des écrivains du 1er dictionnaire Créole –dont mon ami Hector Poullet- sur le sens des mots sur la façon de les écrire, sur la grammaire transmise jusque là à l’oral et qu’il fallait d’une certain façon contraindre pour pouvoir la formaliser, l’établir, la figée ( ?) et l’enseigner… J’ai vu les premiers émois d’une population à qui l’on avait interdit l’enseignement de sa langue maternelle pendant des décennies, et à qui l’on proposait désormais de l’apprendre… Le malaise était grand. J’ai entendu la chanson militante d’Henri Salvador : « Nos ancêtres les Gaulois ». J’ai entendu ceux qui écoutaient ces débats avec condescendance, arguant du fait que le Créole était un « patois », un « pidgin »… Mais ignorant qu’en parlant Français, ils parlaient un Créole de Latin… Qu’en parlant Anglais, ils parlaient un Créole de Normand… J’ai entendu dire qu’au moment où l’utilisation du subjonctif disparaissait petit à petit dans la langue française, il était en train d’apparaître en Créole… Comprenant alors que c’est le besoin d’expression qui créer la langue et non la langue qui créer le besoin d’expression…
En Martinique, à la Réunion, j’ai entendu ces Créole qui sont nés ailleurs, des langues « demi-sœurs » comme si elles avaient le même Père, mais pas la même Mère.
En Afrique, berceau de l’humanité, j’ai entendu les débats sur les « langues mères », ces langues dont descendraient toutes les autres et sur cette thèse de l’unicité du 1er peuple humain, que les linguistes ont fini par imposer comme une thèse recevable aux sociologues et aux généticiens…
En France, dans mon département d’origine, la Sarthe, où l’on parle une langue qui se rapproche du vieux « françois », où les accents sont roulés, où les joues participent avec la langue à la formation des mots, où chaque semaine dans « Les nouvelles de Sablé » le Père Goriot nous faisait part de ses commentaires sur la vie politique locale.
Dans les Cévennes, au cours de mes études, où j’ai rencontré Aigua Linda, un groupe de Musique Cévenol qui a fait un travail extraordinaire de collecte des chanson de jadis, en occitan, afin de les réenregistrer, de les diffuser, des les faire connaître, afin que ce patrimoine humain ne disparaisse pas.
Ici à Sauveterre où un certain nombre d’anciens parlent encore les langues d’antan… Où Alain Pierre anime sur Radio Entre Deux Mers une émission en Gascon. Où la langue Française même a intégré certaines tournures de phrase qui prouvent s’il en était besoin que le Français d’ici a hérité d’une langue que l’on ne trouve pas ailleurs… Où les mots sont prononcés d’une certaine façon. Où le verbe « apprendre » est parfois transitif, où l’on remercie à quelqu’un, quant ailleurs on remercie quelqu’un… Où les noms de lieux sont hérités des langues d’autrefois.
Tout cela cultive nos différences et force le respect, tout cela invite à prendre connaissance, a chercher, à comprendre, à rechercher la langue d’O.C. (Origine Contrôlée) qui a précédé le Créole que nous parlons aujourd’hui. Et à observer avec intérêt la naissance de nouveaux Créoles, qui sont les langues de demain.
Alors oui, à chaque fois que des gens raisonnables se mettront autour de la table pour promouvoir les langues de France, je serai avec eux. Afin de faire que le nouvel article de notre constitution ne soit pas simplement « décoratif » comme cela a été dit hier matin, et afin de faire comprendre à tout un chacun, que défendre les langues régionales ce n’est pas remettre en cause la nation… Même si parfois les premiers défenseurs des langues régionales sont ou étaient aussi parfois indépendantistes, ou autonomistes.
Les langues régionales ne sont pas opposées à la langue française, elles sont, selon les régions, tantôt ses parents, tantôt ses enfants… Si pour construire la Nation il a fallu mettre sous l’éteignoir les langues régionales, aujourd’hui, pour la renforcer, il convient d’en raviver la flamme. Pour ce faire, l’Education nationale, doit prendre en compte les spécificités régionales.
«Rien n’est mesquin de ce qui touche à la famille humaine ; les plus petits détails grandissent à mesure qu’on les examine.»
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La révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a ajouté l’alinéa qui institue le français comme langue officielle de la République. Lors du vote sur l’ajout dans l’article 2 de la Constitution du principe selon lequel « la langue de la République est le français », le Garde des sceaux, Michel Vauzelle, a certifié aux députés et sénateurs que cette précision ne nuirait aucunement aux langues régionales.
L’article 75-1 de la Constitution de la Cinquième République française introduit les langues régionales dans la Constitution. Il a été créé par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.»
Un bref rajout au niveau juridique .La france a signé mais toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui est une convention destinée d’une part à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen, et d’autre part à favoriser l’emploi de ces langues dans la vie privée et publique. Son objectif est donc essentiellement d’ordre culturel.
En matière de langue régionale , la France a donc un long chemin a parcourir !