INTERVIEW JDD publiée le 30 mai 2013 – Alors que François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont critiqué mercredi soir les recommandations de la Commission européenne, le président UMP de la commission des Budgets au Parlement européen, Alain Lamassoure, déclare au JDD.fr que « les autorités françaises ont un gros effort à faire pour être crédible aux yeux de ses partenaires ». « Ni Angela Merkel ni François Hollande ont inventé le projet contre le chômage des jeunes ». « Hollande a l’art de recycler les crédits et les idées qui existent déjà ».
La France doit-elle suivre les recommandations de Bruxelles, critiquées mercredi soir par François Hollande?
Les recommandations ne sont pas des instructions. Cette procédure existe depuis près de 20 ans et la mise en œuvre du traité de Maastricht. Jusqu’à la crise de 2008, les communications de Bruxelles ont été traitées avec une certaine indifférence. Mais elles ont pris de plus en plus de poids avec l’aggravation de la situation financière de notre pays et la précision des critiques qui sont faites. Il est important de rappeler que la Commission rédige certes ces recommandations mais c’est le Conseil européen des ministres (des Finances, Ndlr) qui les adoptent. L’exécutif français est ainsi visé par ses pairs.
Comprenez-vous la réaction de l’exécutif français?
Le discours de François Hollande tient carrément du double langage. Il va à Bruxelles, au Conseil européen, et s’engage à tenir les engagements de la France. Et quand il est à Paris, il explique qu’il n’a pas à tenir compte des conseils des instances européennes. C’est d’autant plus paradoxal qu’il critique Bruxelles alors même que la France a obtenu un délai de deux années de plus pour revenir à un objectif de 3% de déficit public. Ce qui est au passage perçu comme une victoire en France alors que c’est, hélas, la reconnaissance d’un échec.
Les déclarations de François Hollande ont été très critiquées par la CDU allemande, le parti d’Angela Merkel. Cela augure-t-il une nouvelle tension entre Paris et Berlin?
Cela montre en tout cas que les autorités françaises ont un gros effort à faire pour être crédible aux yeux de ses partenaires européens. Angela Merkel est à Paris jeudi pour sceller une contribution commune avec François Hollande, contre le chômage des jeunes. Que pensez-vous de cette initiative présentée au prochain sommet européen?
Personne ne peut être contre, mais c’est de la communication pure à ce stade. Cette contribution s’appelait « new deal » à l’origine, appellation qui supposerait des dizaines ou des centaines de milliards d’euros pour changer les choses. Or, les moyens supplémentaires qui vont être mis en œuvre seront très faibles. Ce projet contre le chômage des jeunes, ce ne sont ni Angela Merkel ni François Hollande qui l’ont inventé. Les parlementaires européens y réfléchissent depuis l’automne dernier. Le Conseil européen du 8 février dernier a fixé un montant pour cette initiative de six milliards d’euros en sept ans (c’est-à-dire la période 2014-2020, Ndlr). C’est bon à prendre, mais ça reste cosmétique.
Dans le cadre de leur contribution, Angela Merkel et François Hollande vont proposer le renforcement de l’apprentissage via un système type Erasmus…
Ça existe depuis 20 ans et ça s’appelle le programme Leonardo. Même si je reconnais qu’il n’est pas toujours bien connu des jeunes en recherche d’un contrat d’apprentissage. François Hollande a l’art de recycler les crédits et les idées qui existent déjà. Et comme l’information sur les programmes européens est peu développée dans les médias nationaux, cela passe inaperçu. Tout existe en fait, il suffit juste de mettre un peu plus d’argent.
Le budget communautaire pour la période 2014-2020, proposé par le Conseil européen de février dernier, n’a toujours pas été validé par le Parlement européen…
La négociation est extrêmement dure. Nous le refusons car nous ne pouvons pas accepter de condamner nos successeurs pour sept ans à une austérité budgétaire et même une impuissance budgétaire. Nous exigeons d’abord une clause de révision du budget à mi-parcours, autour de 2017. Ensuite, une flexibilité maximale est nécessaire, afin de parer à tout rebondissement économique. Enfin, le grand combat du Parlement européen est que son budget soit financé par une fiscalité européenne. Une taxe sur les transactions financières est en train d’être mise en place à cet effet. Nous demandons par ailleurs le rétablissement de ce qu’était l’impôt européen dans les années 70-80 : une TVA d’un point.
En critiquant la Commission européenne, François Hollande veut affaiblir le poids politique de l’instance européenne. Cette forme de remise en cause est-elle inhérente à tout contexte de crise?
Cet agacement, qui devient en temps de crise une irritation, est inhérent au système européen. Il y a un paradoxe derrière la déclaration du président français : d’un côté, il comprend parfaitement que nous ne pouvons pas nous sortir de la crise sans nous aider mutuellement; et de l’autre côté, il ne peut pas résister à la tentation de faire de l’Europe le bouc-émissaire, afin d’expliquer les problèmes nationaux. En ce sens, François Hollande imite ses prédécesseurs tout comme les autres dirigeants européens.
Craigniez-vous que les élections européennes, ne soient l’occasion d’un vote sanction contre la politique du gouvernement français?
Il y aura l’année prochaine un très grand changement en Europe : tous les citoyens français vont élire leur président de la Commission européenne. Pour ce faire, une grande campagne aura lieu, où les candidats de chaque parti européen feront des meetings partout en Europe, dans toutes les capitales du continent. Bien sûr, les partis radicaux vont faire une campagne anti-européenne. Mais je m’en amuse d’avance : ils doivent d’abord trouver un candidat commun, puis un programme qui est du sens. Et s’ils font des scores importants, cela obligera davantage les partis de gouvernement à travailler plus étroitement ensemble.
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