« Dépasser le compromis de Maastricht » (François Fillon)

FF_et_Philippe_Seguin.jpgVingt années ont passé depuis la ratification du traité de Maastricht, mais chacun garde encore en mémoire le grand débat provoqué par Philippe Séguin qui précéda le verdict des Français. Je crois utile de revenir sur les termes de ce débat, non pour donner raison à tel ou tel, mais parce que l’Europe vit une situation semblable à celle qui inspira le traité de Maastricht.

C’est une crise profonde qui donna naissance à l’Euro. Les nations européennes vivaient alors sous la pression lancinante de l’inflation et des crises monétaires. C’est pour s’en libérer que les dirigeants de l’époque proposèrent aux peuples européens d’unir leurs destins en se donnant une monnaie commune. Mais faute d’une vision partagée de l’avenir, faute de consensus sur les contours d’une Europe politique, ils ne purent bâtir les institutions pourtant indispensables pour garantir la solidité de l’Euro et prendre ensemble les décisions qui les engageaient tous.

La monnaie unique sans l’Europe politique : ce déséquilibre en forme de compromis bancal fut au cœur du référendum sur le traité de Maastricht. J’étais alors de ceux qui, aux côtés de Philippe Séguin, dirent « non » à ce traité imparfait qui, à nos yeux, traduisait un renoncement à l’action politique à l’échelle européenne.

Pourtant, la création de l’Euro fut un succès incontestable, un succès qui fit de l’unité européenne une réalité tangible pour des millions d’hommes et de femmes. Mais la force du symbole n’a pas suffi à effacer les déséquilibres que portait en lui le compromis de Maastricht. Le choc économique que nous connaissons aujourd’hui en est la meilleure preuve. Certes, l’Euro nous a protégés des crises monétaires, mais nous a fait oublier que la solidité de l’Euro se mesurait à la solidité budgétaire et financière des nations européennes. Protégés par leur monnaie unique, nombreux ont été les Etats – et la France en fit malheureusement partie – qui pensèrent qu’ils pouvaient sans risque laisser filer leurs déficits et creuser leurs dettes. Faute d’un gouvernement économique de la zone Euro, nous avons ainsi affaibli notre monnaie commune et, à travers elle, l’Europe tout entière.

Pour autant, il ne convient pas de condamner la monnaie unique. Sans l’Euro, la crise de 2008 aurait emporté toutes les économies européennes dans la spirale d’une récession profonde et durable. Maintenant, pour sortir de la tourmente, nous avons besoin de plus de nation et plus d’Europe encore !

Plus de nation car la résolution des maux qui guettent la France – endettement, manque de compétitivité, dislocation du modèle républicain – ne dépend que de nous ! Ne rejetons pas nos responsabilités sur d’autres, n’attendons pas tout de l’Union. Le destin économique et social de la France exige un effort national sans précédent.

Plus d’Europe car l’avenir de la France ne s’écrira pas seul. Je mesure parfaitement les imperfections de l’Union européenne et sais les doutes qu’elle a fait naitre chez mes concitoyens. Mais ne cédons pas à la démagogie. Depuis Maastricht, j’ai vu concrètement ce que signifie la montée en puissance de la mondialisation. Chine, Inde, Brésil, le XXIème siècle bascule en faveur de ces milliards d’habitants épris de réussite. Face à cela, la France et l’Europe sont devant un choix existentiel : le déclin ou le sursaut !

Ce sursaut commande un nouveau souffle européen. L’heure est venue de voir plus loin que le traité de Maastricht et ses traités successeurs.

Dans mon projet pour la présidence de l’UMP, j’ai proposé que nous mettions en place un pacte pour l’Europe. Nous avons besoin d’un gouvernement économique européen, celui-là même dont Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont lucidement jeté les fondements au cœur de la crise. Ce gouvernement doit désormais trouver une réalité institutionnelle stable et pérenne.

Parce que l’intégration rapide à 27 n’est pas réaliste, revenons au coeur de l’action !

D’abord, il faut concentrer nos efforts sur le tandem franco-allemand, dangereusement malmené par le Président Hollande.

Il faut ensuite concentrer nos efforts sur la zone euro et accepter de mettre en partage nos intérêts économiques et financiers. Acceptons l’idée d’un haut responsable des finances européen ayant pouvoir d’élaborer une stratégie commune et d’assurer un contrôle sur les pratiques des Etats concernés. Ce pouvoir doit être équilibré par des représentants du Parlement européen et de chacun des parlements nationaux. Ceux-ci doivent eux aussi s’assurer que les politiques budgétaires de chaque Etat et la politique monétaire européenne marchent enfin d’un seul pas.

Sortons les institutions européennes des méandres bureaucratiques et des procédures kafkaïennes qui échappent au peuple. Je crois qu’il est temps de proposer la fusion du Président de la Commission et du Président du Conseil. Parce que la bataille de la mondialisation nous interdit toute naïveté, le droit de la concurrence au sein de l’Union ne doit plus sacrifier toute possibilité de créer des géants industriels en Europe; les importations qui ne respectent pas les contraintes européennes doivent être taxées; la réciprocité dans les échanges doit être véritablement assurée; dans chaque Etats les grands investissements du futur doivent être ciblés et fédérer au niveau européen.

Ce renforcement de l’Union, je l’associe à une vision sur l’avenir de notre continent. Et sur ce continent, il y la Russie, immense, peu peuplée, riche en ressources naturelles, soumise à ses frontières à la pression de la Chine. Sachons, le moment venu, imaginer un partenariat efficace.

Cette Europe politique se confond avec le patriotisme éclairé que j’appelle de mes vœux. Ce patriotisme, je le hisse au niveau de l’Europe car c‘est la seule solution pour ne pas être déclassé par l’Histoire. Si la crise a ravivé les vieilles lunes d’un nationalisme étriqué, elle a aussi fait naître un sentiment d’urgence européen.

L’urgence peut être salutaire.

François Fillon

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