« Jean-Marc Jancovici au Sénat : oubli d’une pompe à carbone amenée à jouer un rôle majeur » Thomas Jestin dans Contrepoints.

Je viens d’écouter l’audition d’une petite heure de Jean-Marc Jancovici au Sénat, qui a eu lieu le 12 février dernier dans le cadre de la « Commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».

Beaucoup d’informations exactes, qui relèvent d’ailleurs bien souvent du bon sens, mais aussi quelques omissions et approximations sur lesquelles je souhaite revenir ici.

[…]

Je note déjà une erreur scientifique dès sa prise de parole, ce qui est assez surprenant de sa part. Il explique qu’il n’y a que deux façons pour le CO2 de quitter l’atmosphère, soit en étant absorbé par l’océan par « équilibrage de pressions partielles ». Soit en étant transformé, avec d’autres intrants, en biomasse suite à l’action de la photosynthèse des plantes.

Il oublie un phénomène qui a son importance, on va le voir, l’érosion chimique des roches silicatées : quand le CO2 de l’atmosphère se mêle à la pluie pour produire de l’acide carbonique (H₂CO₃), qui va ensuite réagir avec ces roches pour donner d’un côté un minéral carbonaté (contenant les atomes de carbone) et de l’autre du sable en général (contenant les atomes de silicium). Les minéraux carbonatés ainsi produits sont ensuite emportés par les rivières et fleuves jusqu’au fond des océans où il se déposent. Leurs atomes de carbone sortent alors de l’atmosphère pour le très long terme. C’est ce qu’on appelle le cycle lent du carbone.

Si Jean-Marc Jancovici n’en parle pas, c’est sans doute car si sur le temps géologique long il peut induire des changements climatiques très marqués, à notre échelle temporelle il n’a que peu d’impact : on considère qu’il retire de l’atmosphère chaque année environ 300 millions de tonnes de CO2, et il est contrebalancé par les émissions de CO2 des volcans qui rejettent, eux, environ 380 millions de tonnes de CO2 chaque année au maximum. Ce cycle géologique semble donc ajouter en net du carbone dans l’atmosphère, à hauteur de 80 millions de tonnes de CO2 par an, soit 0.2% des émissions de CO2 d’origine humaine (autour de 40 milliards de tonnes/an).

Un oubli pardonnable donc. Mais cela traduit en fait la courte vue de Jean-Marc Jancovici, car ce phénomène, l’érosion chimique des roches silicatées, représente a priori le moyen le plus économique de capturer et stocker pour le très long terme et à très grande échelle le CO2 en excès dans l’atmosphère.

S’il nous faut absolument cesser d’émettre des gaz à effet de serre au plus tôt, l’inertie de nos économies fait que cela prendra du temps, même si les solutions sont réelles. Nous allons donc continuer à pourrir la planète pendant encore un certain temps. Il est urgent de réfléchir à comment retirer pour de bon l’excès de carbone dans l’atmosphère, à hauteur de 1500 milliards de tonnes de CO2, pour réparer le mal déjà commis, et limiter au maximum la casse.

Un certain nombre de solutions sont envisagées.

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