Jean-Claude Delguel décoré dans l’Ordre National du Mérite

Hier soir Mouliets et Villemartin était en fête ! Le Maire, Jean-Claude Delguel, recevait des mains du Préfet de Région, Dominique Schmitt, la médaille de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. A cette occasion, Jean-Claude Delguel revenait sur sa profession, qui fut aussi sa passion, en livrant à l’auditoire une véritable histoire de la passementerie ! Un exposé que je lui demandais de me tranmsettre afin de le mettre en ligne sur mon blog. Voilà qui est fait !

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Conseiller Régional,
Messieurs les Conseillers Généraux,
Monsieur D’AMECOURT de Sauveterre de Guyenne, Monsieur YERLES de Lussac,
Monsieur SEUROT Maire de Bruges, Président de l’Association des Maires de Gironde,
Monsieur BERTHOMÉ Maire de Saint Seurin sur l’Isle, Président du Pays,
Madame Marie-Emilie SALLETTE, Présidente déléguée qui représente notre Président Départemental de l’Ordre du Mérite,
Monsieur Jean SAMSON, Madame BERTHOMÉ, Trésorière de Castillon la Bataille,
Messieurs les représentants de la gendarmerie de Rauzan et de Branne,
Monsieur le Capitaine des pompiers de Castillon la Bataille,
Messieurs les porte-drapeaux,
Monsieur RICHEBE Président du club des Lions de Castillon Rives de Dordogne ainsi que sa présidente fondatrice Christiane BORDOT,

Je ne voudrai pas oublier la presse en la présence de Monsieur PEIFFER de Sud-Ouest et Madame FERRER du Résistant,
Les présidentes ou présidents d’associations communales, les enseignants, le personnel communal, les membres du Conseil Municipal en excusant Monsieur ROUSSET notre 1er adjoint, absent pour raison de santé, ainsi que Monsieur Philippe MADRELLE, Président du Conseil Général, absent de France et Monsieur Xavier PINTAT, Sénateur.

Veuillez m’excuser si j’oublie quelques personnes.

Mes chers compagnons, mes chers collègues, chers amis et famille à vous tous réunis, merci de votre présence pour m’accompagner aujourd’hui dans cette remise de décoration et d’exprimer ma gratitude à Monsieur Gérard CESAR qui a accompagné ce dossier.

Monsieur le Préfet SCHMITT, Préfet de Gironde et de la Région Aquitaine, merci d’avoir accepté de présider cette cérémonie et d’être présent ce jour dans notre commune (c’est la première fois que nous recevons un préfet). C’est un très grand honneur pour moi-même, mon conseil municipal, notre commune mais aussi pour tous mes collègues maires de notre CDC Castillon-Pujols, de notre Pays du Libournais de vous accueillir sur notre territoire rural et viticole au cœur d’une grave crise économique qui demande votre soutien.

Comment vous remercier de vos aimables paroles, de vos encouragements dans ma fonction de maire, charge lourde à exercer tenant compte des différentes réformes qui se mettent en place aujourd’hui.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis, je voudrai maintenant vous parler de ma première passion « LA PASSEMENTERIE » qui m’a value après 43 ans d’activités dans cette profession de recevoir en 1998, la médaille du travail « Grand Or » et d’être reconnu par mes collègues fabricants de passementerie (Houles passementerie nouvelle – Passementerie de l’Ile de France – REYMONDON, BOUDET et ROUX – VAN LATHEM etc de m’avoir élu Président du Syndicat national des Passementiers de France 1975/1980.

Pour parler des passementiers, il faut d’abord signaler les noms successifs de cette profession. Avant le 12ème siècle, ils s’appelaient « Crépiniers » du nom de la crépine, frange très courte et touffue à brins fins. Par la suite viendront les laceurs de fil d’or, fabriquant des lacets pour décorer les harnais des chevaux ou des liens pour retenir les aumônières (mais aussi les sceaux des chartes !) puis les dorelotiers (en 1327), du drôle de nom d’un élément de passementerie aujourd’hui oublié, ensuite Tissutiers-Rubanniers et enfin Passementiers.

Depuis le 13ème siècle, les passementiers sont très présents à Paris et quand Jacques CHIRAC fut élu Maire, il voulut mettre en valeur ces métiers d’art. Citons les métiers du bois 1990, les arts du feu 1991, la reliure d’art contemporain 1992. C’est en 1993, que fut présenté, la Passementerie au couvent des Cordeliers et dans la préface du catalogue, Monsieur Jacques CHIRAC notait, « Passementerie » signe de l’opulence, de l’ostentation et du raffinement, ornement même du pouvoir, présent à l’habit du roi, aux ornements du prêtre, à l’épaule de l’officier ou à la toilette de l’élégance, la passementerie est pourtant l’un des métiers les plus discrets et les plus humbles. Elle ne saurait, en effet, exister sans dépendre – pour mieux les exalter – des réalisations d’autres créateurs, couturiers, tapissiers, décorateurs, etc. Ce mélange d’humilité et d’éclat, qui se manifeste dans les œuvres autant que dans les techniques et les matières employées, des plus simples aux plus virtuoses, constitue, je crois, l’une des qualités les plus remarquables de ces métiers d’art que Paris aime à fêter tant ils semblent indissociables de son histoire et de son rayonnement.

Si l’on définit la passementerie comme l’art et les mille manières de tisser ou d’entrecroiser des fils sur de petites largeurs, les origines se retrouvent dès l’antiquité grecque qui semble avoir été très grande consommatrice de galons géométriques et franges que nous retrouvons sur les vases ou mosaïques de l’époque.

La passementerie a toujours accompagné chaque époque de notre histoire.

La Renaissance jusqu’aux changements de mode de vie qui rompront avec les habitudes féodales, en gros jusqu’à la Cour des Valois, le mobilier sera essentiellement constitué de pièces transportables. Le textile qui se roule et se plie joue donc, avec les coffres, un rôle essentiel.

En ce qui concerne le style Louis XIII, l’intérêt pour la décoration intérieure est d’abord lié à la recherche de l’harmonie, selon un état d’esprit hérité de la Renaissance. Les proportions des pièces changent, leurs éléments, boiseries, stucs, s’unifient, les cheminées diminuent d’importance, tandis qu’apparaît pour la première fois le terme « d’emmeublement » : tissus en coordonnés et meubles doivent être assortis dans une même pièce. Le Palais du Luxembourg construit en 1612-1620 par l’architecte Français Salomon BROSSE pour Marie de Médicis en est la référence. En ce qui concerne la Passementerie, les coloris sont : des tons rouge cramoisi, vert olive et jaune. Les matières sont la laine, la soie, le lin et les fils d’or et d’argent. Les galons armures et motifs géométriques sont très à la mode en ce qui concerne les moules, beaucoup plus élaborés garnis en point de milan, point neige, point grappe.

Le style Louis XIV, c’est un déploiement de luxe inouï, marbres, marqueterie de pierres dures, soie brochée et rebrodées de gemmes dures et or partout marquent le règne de Louis XIV. Le fil d’or nécessaire à la passementerie, provient du coulage des lingots…L’exigence du Roi Soleil fait travailler les artisans et les pousse au talent. Pour les passementiers les galons sont rehaussés de brochées en relief avec guipure. Les mèches sont coiffées de migret, de jasmin ou de torsade. Les matières employées or, argent, soie. Pour les coloris le rouge cramoisi domine puis le bleu et le jaune.

Le style Louis XV : en 1720 se produit l’éclosion du « rococo » ou style rocaille, élaboré en France. L’abondance de franges lambrequinées, de petites mèches, de giselles, de jasmins à migrets, l’allure générale plutôt légère des glands à jupe bouffante convient bien à l’ornementation des pièces et du mobilier dominée par le motif décoratif de la spirale et de l’enroulement. Les matières, la soie principalement. Très peu d’or ou d’argent.

Et enfin le style Louis XVI, à la fin du règne de Louis XV se dessine déjà une réaction contre les abus du style rocaille abâtardi. En France d’ailleurs, depuis la Renaissance, chaque fois que l’on s’écarte d’une certaine mesure, une réaction ne se fait pas attendre. A partir de 1770, une longue période de retour à l’antique commence, qui va bien au-delà du règne de Louis XVI, puisque c’est encore lui qui prévaudra sous le premier Empire. La décoration s’entiche également d’une variante « étrusque ». La passementerie s’adapte, à la fois dans son agencement et dans le choix des coloris, qui se font plus raffinés voire pastels, une gamme qui convient bien au goût pour la terre cuite de la mode « archéologique ». Le boudoir demeure une pièce essentielle.

La Révolution : dès les lendemains de la Révolution, la bourgeoisie qui vient d’accéder au pouvoir, rompt avec les styles précédents. Même si la sobriété reste de règle au tournant du siècle. Sous le Directoire et le Consulat, l’antiquité demeure la référence mais dans un genre très différent de l’époque précédente, et se marque surtout au niveau de l’ébénisterie et dans une certaine idée que l’on se fait du drapé. En passementerie, les matières employées, toujours de la soie et quelques fils d’or. Pour les coloris ce sont les jaunes, les rouges (du grenat au rose) puis également le mauve et le violet.

Le Premier Empire : l’interprétation de l’antique demeure la caractéristique du style Empire et se porte sur l’ébénisterie et les draperies de rideaux. Celles-ci sont présentes en abondance, en particulier dans les boudoirs et les chambres. Les embrasses des doubles rideaux sont constituées de galons souvent tissés de palmettes ou de feuilles de chêne. Les matières employées sont, la soie, le coton d’Egypte qui apparaît. Pour les coloris, beaucoup de bicolores dans les tons jaunes, bleus et verts.

Notons une innovation révolutionnaire, l’invention de la machine JACQUARD. Joseph Marie JACQUARD naquit à Lyon en 1752, sous le règne de Louis XV et traversa le règne de Louis XVI, la Révolution et mourut sous le règne de Louis Philippe en 1834 à l’âge de 82 ans. JACQUARD présente une première machine en 1801. Soutenu par Bonaparte et le Ministre de l’Intérieur CHAPTAL, il poursuit ses recherches au conservatoire des arts et métiers ou il découvre le métier FALCON, 1728 à base de carton piqué et en liasses, puis la machine de VAUCANSON et transpose tous ces systèmes en un seul sur sa propre machine. Il venait d’inventer l’application du principe de la carte perforée à la programmation d’un métier à tisser une révolution. Il se heurta à l’opposition violente des canuts et de tous ceux qui le rendaient responsable de la condition ouvrière naissante.

« Canut : ouvrier – spécialisés dans le tissage de la soie sur les métiers à bras à Lyon. La corporation des canuts est célèbre pour les insurrections de 1831 et 1834 sous Louis Philippe en vue d’obtenir l’établissement d’un tarif minimal des salaires ».
Pour revenir sur la machine Jacquard ce métier connut en réalité un immense succès exporté en Angleterre, en Allemagne et ailleurs. A sa mort, 30 000 métiers battaient déjà à Lyon.

En passementerie, cette période qui va de Louis XVIII (1814-1824) et Charles X (1824-1830) à Louis Philippe (1830-1848) n’en fait qu’une, un peu comme une période transitoire entre deux moments d’innovation.

Au second empire vers 1850/1860 jusqu’à la fin du siècle, la passementerie atteint son zénith, en « explosant » littéralement sous Napoléon III. Elle est partout, suivant le sillage du tapissier qui est toujours le grand ordonnateur de la décoration. Pièces immenses et plafonds hauts nécessitent des kilomètres d’embrasses câblées, des glands énormes en harmonie avec les lourdes tentures fendues et dont l’époque permet l’expression de tout un florilège de détails. Ils sont souvent en soie sombre et l’or y brille toujours, surtout au théâtre et sur les scènes officielles. Ils partagent la lumière sous les grands lustres de verrerie, avec les câblés multicolores et les étoffes noires, pourpres ou les moires. Les matières en passementerie, toujours soie et or, les coloris, le noir, le rouge, le violet et le bleu.

La période qui va de 1871 à 1914 est incroyablement féconde pour la passementerie. La plupart des formes caractéristiques apparaissant vers 1880/1890. Style bourgeois par excellence, échappant à tous les mouvements de la pensée et de l’art (même décoratif) qui touchent la fin d’un siècle tourmenté. Le pompon devenu valeur-refuge, les bourgeoises de la IIIème République en font leurs « choux gras ». Ce n’est pas un vain mot : boulots, chardons tondus, moules de glands à redondances, tout s’arrondit et prend du ventre.

Après la guerre de 1914, première grande fracture du monde, plus rien n’est comme avant, pas même en passementerie. Vers 1920, quantité de nouveaux dessins et de nouvelles formes réjouissantes pour l’œil apparaissent avec une impression de brillance, des couleurs électriques. Légèreté et gaieté semblent se donner le mot, la passementerie participe au grand mouvement d’oubli. Les coloris bleu canard, vert électrique, le tango, l’orange et le noir, les matières arrivées de la soie artificielle soit la rayonne et le coton qui se maintient.

Et pour finir mon exposé, la passementerie d’hier à aujourd’hui.

Si les passementiers ont travaillé d’abord pour le vêtement pour se consacrer ensuite en priorité à l’ameublement, en parallèle se sont développés à diverses époques des passementeries spécialisées destinées aux militaires (dragonnes, épaulettes, galons hiérarchiques etc), à l’Eglise (surtout les galons et glands) pour la confection des étiquettes à l’intérieur des habits, pour l’aménagement intérieur des carrosses puis des voitures. Pour le chemin de fer aussi. En 1950, on fabriquait encore des galons épinglés pour les premières classes. Le Londres-Venise a d’ailleurs retrouvé aujourd’hui ses wagons d’époque et bien entendu ses passementeries.

Ces exceptions mises à part, il est bien évident que ces diverses catégories ont disparu entre les deux guerres, ce qui a considérablement, diminué le nombre de passementiers. Les fabricants ont été dans l’obligation de se regrouper ou même le plus souvent de disparaître. Ceux qui ont subsisté ont dû trouver des expédients, bricoler leurs vieux métiers comme ils ont toujours su le faire, et se lancer dans des fabrications d’attente : tissu en moyenne largeur, ou rubans froncés (les « volants) très populaires dans les années 30 à 50. Les premières restaurations du château de Versailles, puis celle du grand salon du ministère des Finances sont alors venues à point pour soutenir un savoir-faire éminent mais inemployé : quatre passementiers ont été sollicités qui durent faire appel à d’autres confrères. La commande a représenté au total quatre ans de travail.

Voici résumé en quelques lignes au travers des époques, des styles l’évolution de la passementerie qui a marqué ma carrière professionnelle. Ne pouvons-nous pas dire, Monsieur le Préfet, que pendant toutes ces années où je m’activais autour des glands dorés et des rubans je préparais inconsciemment la cérémonie de ce jour et suite à cette parenthèse, la municipalité et moi-même nous vous invitons à venir partager le verre de l’amitié.

Encore merci à tous.

Lire l’article de François Peiffer dans Sud-Ouest

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