Après le gel, sauver l’agriculture et nos agriculteurs

« Ce matin, l’agriculture retient son souffle avec ces températures incroyables dans des zones sensibles : -11.4°C à Barcelonnette, -10.7°C à Séderon, -7.4°C à Saint Etienne, -5.5°C à Prades au Pic Saint Loup ! -4.2°C à Avignon (record explosé de 3°C !). Je fatigue. J’ai plus de mots. » le 8 avril, Serge Zaka, docteur en agrométéorologie sur twitter.

Si les gelées du mois d’avril sont fréquentes, ce qui l’est moins, c’est le pic de chaleur de la semaine précédente qui a fait accélérer la végétation dans toutes les cultures. Sur les vignes, un peu partout, les bourgeons sont sortis, comme autant de proies faciles pour le froid. Les bougies allumées dans les vignobles de France, les bottes de paille, les éoliennes souffleuses d’air chaud, les hélicoptères en rase motte, les asperseurs, les bâches, … n’auront pas pu lutter contre ce froid venu du pôle nord, qui a fait tomber les températures, deux nuits de suite, pendant quelques heures, dans à peu près toute la France.

Jean-Marie Barillère, viticulteur en Champagne et président du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d’origine et à indication géographique (Cniv), le gel a « touché 80 % du vignoble français ». De mémoire de vigneron, il faut remonter à 1991 pour retrouver un épisode aussi dévastateur sur la carte des appellations.

Les cultures de nombreuses régions françaises, du nord à la vallée du Rhône en passant par le Sud-Ouest, ont été sinistrées.

Le lendemain notre ministre de l’agriculture se déplaçait sur le terrain et annonçait qu’une « cellule de crise se tiendra dès lundi ». Le 1er Ministre et le Président annonçaient : « les agriculteurs auront des aides exceptionnelles » …

Le monde agricole est très inquiet, les gelées continuent cette semaine avec des températures allant jusque -3°C

Au printemps 2020 les agriculteurs ont souscrit des PGE (Prêts Garanti par l’Etat) pour faire face à la crise COVID et pallier le manque de chiffre d’affaires. Au Printemps 2021, voilà que leur chiffre d’affaires disparait avec les basses températures. Comment rembourseront-ils les PGE demain ?

Le désastre économique est énorme. Il se chiffre à plusieurs milliards d’euros.

Pourquoi les agriculteurs ne sont-ils pas assurés ? La raison est simple.

L’assurance multi-périls financée par l’Union Européenne qui est censée assurer ce type d’aléas climatiques, protège les agriculteurs pour un rendement calculé selon la « moyenne olympique » : c’est le rendement moyen des 5 dernières années auquel on retire la meilleure année, et la moins bonne. Or, depuis 10 ans, les aléas climatiques s’enchainent si bien que la « moyenne olympique » est très basse. A cela s’ajoute une « franchise » et un « seuil de déclanchement » de 25% … Le résultat est que l’assurance assure très peu et que les agriculteurs ne la souscrivent pas ou peu. Ils refusent de signer un contrat d’assurance « pour rien ». Plus les aléas climatiques se succèdent, plus la « moyenne olympique » est basse, plus les exploitations sont fragiles, moins on s’assure… C’est le contraire du processus souhaité. 

Pour que l’assurance soit souscrite il faudrait que le rendement moyen assuré soit celui des 5 dernières années de récolte sans sinistre. Lorsque vous assurer votre maison contre l’incendie, vous l’assurez pour sa valeur neuve … Si vous avez eu un incendie, l’assureur ne calcul pas la valeur moyenne entre une maison neuve et une maison incendiée ! Lorsque vous assurer votre voiture c’est la même chose. Si vous avez beaucoup d’accident, alors c’est votre malus qui augmente, pas le capital assuré qui diminue !

La France est actuellement en train de rediscuter la PAC avec l’Europe. C’est le moment de prendre en compte cette modification dans le cahier des charges de l’assurance multi-périls, afin que les agriculteurs s’assurent à nouveau.

Autrefois, les agriculteurs étaient imposés « au forfait ». Quand ils faisaient une bonne année, ils mettaient de côté. Quand l’année était mauvaise, ils puisaient dans leur épargne. Aujourd’hui, ils sont imposés « au réel ». Les bonnes années, ils payent impôt et charges sociales à la MSA, sur le bénéfice agricole. Les mauvaises années, ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

En Australie, pays soumis aux aléas climatique, la fiscalité sur le bénéfice agricole est plafonnée, si bien qu’une bonne année permet de constituer des réserves. Ce n’est pas le cas en France.

Passer de l’assurance par répartition à l’assurance par capitalisation.

Aussi, une idée est de créer un nouveau dispositif : disposer d’un « Compte Epargne Aléas Climatiques et Economiques » dans chaque exploitation. Lorsqu’une année est bénéficiaire, l’agriculteur verse de l’argent sur le compte épargne, ce versement passe en charge d’exploitation. Lorsqu’il a un aléa climatique ou économique, il débloque l’épargne, la somme passe alors en produit d’exploitation. Le compte épargne aléas climatiques et économique est une forme d’assurance vie pour l’exploitation. Il peut être plafonné à une année de production.

Imaginez la situation de nos exploitations agricoles si elles disposaient d’un tel dispositif ? Au bout de quelques années elle serait réellement protégée contre de nombreuses formes d’aléas. Y compris contre les pertes de chiffre d’affaires en cas de pandémie.

On peut même imaginer que ce dispositif soit étendu à toute forme d’entreprise.

Revaloriser le revenu des agriculteurs.

Mais pour alimenter un compte épargne encore faut-il des revenus… Avec la succession des aléas climatiques, la concurrence sur les marché mondiaux, la guerre des prix que se livrent les grands distributeurs en France, le revenu agricole n’a jamais été aussi bas et la santé de notre agriculture aussi fragile. Depuis le début des années 70, le prix de l’alimentation n’a pas bougé, et dans ce prix, la part versée aux agriculteurs a été divisée par 2. Cette situation met en péril la survie des filières agricoles. Elle fragilise les exploitations. Elle rend compliquée la succession. Elle empêche l’investissement et la recherche.

La loi EGALIM, avec la mise en place de contraintes de toute sorte, devait résoudre ce problème en revalorisant les prix au consommateur, et en faisant retomber des marges dans les exploitations. Il n’en est rien. C’est un fiasco.

Pourtant, les consommateurs sont prêts à dépenser plus pour défendre la production locale. Ils souhaitent que les produits d’importation soient taxés pour protéger la production nationale. Ils veulent que l’on s’oppose à l’importation de produits agricoles dont la production est interdite en France…

Il y a une solution pour faire tout cela à la fois. C’est ce que d’autres pays Européens comme le Danemark ou l’Allemagne ont fait avant nous. Cela s’appelle la « TVA Sociale ». D’autres l’on nommé « TVA Emploi » ou « TVA antidélocalisation ». Il s’agit de financer notre système social en taxant la Valeur Ajoutée des Entreprises (TVA) plutôt que les salaires (charges salariales et patronales), le revenu agricole, le revenu des indépendants, …

Augmenter la TVA sur les produits agricoles s’appliquera aussi sur les productions importées et diminuera les charges qui pèsent sur les salariés, sur les agriculteurs.

Les recettes de l’augmentation de la TVA pourrait être répartie en 4 quarts : un quart pour augmenter les salaires nets, un quart pour diminuer les charges patronales et le coût du travail, un quart pour augmenter les retraites et un quart pour baisser les cotisations des indépendants et des agriculteurs.

Cela rééquilibrera la concurrence entre la production nationale et la production importée.

Il faut le faire maintenant afin que les produits d’importation qui vont remplacer massivement la production Française touchée par le gel, participe au financement de notre protection sociale.

  • Diminuer les charges sociales et fiscales des agriculteurs pour leur permettre de se remettre de cette catastrophe climatique ;
  • Taxer plus l’importation par le biais d’une augmentation de la TVA sur les produits agricoles ;

Il agir vite pour sauver nos exploitations agricoles et la balance commerciale de la France.

L’économiste Philippe DESSERTINE invité de C dans l’Air le 14 avril précisait : « Les aléas climatiques vont se succéder. Ce n’est pas le problème uniquement des agriculteurs, c’est aussi un problème pour l’économie française. Chaque Français doit bien en prendre conscience. L’agriculture c’est 74 milliards de PIB. L’agroalimentaire c’est presque 200 milliards. A eu deux c’est plus que l’aéronautique, plus que l’automobile ou le tourisme. »

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